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Psycho

La méthode Coué

Nous venons de fêter, en cette année 2017, le 160ème anniversaire de la naissance d’Emile Coué. Cet évènement n’est pas passé inaperçu à Nancy puisque ce célèbre pharmacien et psychothérapeute, connu dans le monde entier pour sa méthode de guérison par autosuggestion qui porte son nom, est un pur produit du « Grand Est » : né à Troyes en 1857 et mort à Nancy en 1926.

Dans le langage courant, l’expression « méthode Coué » a acquis une connotation péjorative et est habituellement utilisée pour parler d’entêtement et de déni du réel. Cependant, assimiler cette approche à une technique de bourrage de crâne qui consisterait, comme dans le sketch de Danny Boon, à se répéter de manière incessante « Je vais bien, tout va bien  » pour s’en convaincre, c’est n’avoir rien compris à l’objet de cette méthode.

En tant que psychiatre fier d’être nancéien, j’ai voulu sortir de cette simplification injuste et rendre hommage à Emile Coué. Ainsi, j’ai écrit cet article dans le but de préciser sa pensée et de l’actualiser à la lumière de concepts validés par les neurosciences, en particulier au sujet de l’effet placebo et de l’hypnose.

Tout d’abord, voici comment Coué lui-même résumait sa méthode en quelques mots :

« Contrairement à ce que l’on nous apprend, ce n’est pas notre volonté qui nous fait agir, mais notre imagination (être inconscient). S’il nous arrive souvent de faire ce que nous voulons, c’est que nous pensons en même temps que nous pouvons.

Dans le cas contraire, nous agissons précisément à l’inverse de notre volonté. Exemple :

  • plus une personne qui a de l’insomnie veut dormir, plus elle est surexcitée ;
  • plus on veut trouver un nom que l’on croit avoir oublié, plus il vous échappe (il vous revient seulement quand vous remplacez dans votre esprit l’idée « j’ai oublié » par l’idée « cela va me revenir ») ;
  • plus on veut se retenir de rire, plus le rire éclate ;
  • plus un débutant à bicyclette veut éviter un obstacle, plus il y court.

Nous devons donc nous appliquer à conduire notre imagination qui nous conduit ; de cette façon, nous arrivons facilement à devenir maîtres de nous-mêmes physiquement et moralement.

Comment arriver à ce résultat ? Par la pratique de l’autosuggestion consciente.

L’autosuggestion consciente est basée sur ce principe : Toute idée que nous avons dans l’esprit devient vraie pour nous et a tendance à se réaliser.

Donc, si l’on désire quelque chose, il suffit, pour l’obtenir au bout d’un temps plus ou moins long, de se répéter souvent que cette chose est en train de venir ou en train de disparaître, suivant qu’il s’agit d’une qualité ou d’un défaut, aussi bien au physique qu’au moral.

On s’adresse à tout en employant matin et soir la formule générale : « Tous les jours, à tous points de vue, je vais de mieux en mieux. »

Pour bien comprendre cette méthode aujourd’hui, je pense qu’il est nécessaire de rafraîchir les concepts et la terminologie. Et commençons par la reformulation suivante : ce n’est pas en premier lieu la volonté qui nous aide à réaliser ce que nous souhaitons, mais ce que se représente notre esprit. Afin d’expliciter cette assertion, Emile Coué citait volontiers cet exemple :

« Supposons que nous placions sur le sol une planche de 10 mètres de long sur 25 cm de large, il est évident que tout le monde sera capable d’aller d’un bout à l’autre de cette planche sans mettre le pied à côté. Changeons les conditions de l’expérience et supposons que cette planche placée à la hauteur des tours d’une cathédrale, quelle est donc la personne qui sera capable de s’avancer, seulement d’un mètre, sur cet étroit chemin ? Est-ce vous qui m’écoutez ? Non, sans doute. Vous n’auriez pas fait deux pas que vous vous mettriez à trembler, et que, malgré tous vos efforts de volonté, vous tomberiez infailliblement sur le sol.

Pourquoi donc ne tomberez-vous pas si la planche est à terre et pourquoi tomberez-vous si elle est élevée ? Tout simplement parce que dans le premier cas, vous vous imaginez qu’il vous est facile d’aller jusqu’au bout de cette planche, tandis que, dans le second, vous vous imaginez que vous ne le pouvez pas.

Remarquez que vous avez beau vouloir avancer : si vous vous imaginez que vous ne le pouvez pas, vous êtes dans l’impossibilité de le faire.

Si des couvreurs, des charpentiers, sont capables d’accomplir cette action, c’est qu’ils s’imaginent qu’ils le peuvent.

Le vertige n’a pas d’autre cause que l’image que nous nous faisons que nous allons tomber ; cette image se transforme immédiatement en acte, malgré tous nos efforts de volonté, d’autant plus vite même que ces efforts sont violents. »

Avant de continuer, je vous propose de prendre deux minutes pour faire l’exercice suivant :

  • Commencez par vous appuyer sur votre volonté et demandez à vos glandes salivaires de saliver. Ça ne marche pas ?
  • Maintenant, procédons différemment. Imaginez-vous mordre à pleines dents dans un citron juteux. Prenez le temps de vous représenter cette scène le plus précisément possible : l’odeur du citron, la consistance de la pulpe, l’acidité du jus… Ça marche mieux ?

Conclusion : la représentation mentale peut déclencher les mêmes phénomènes que le vécu – ce que la volonté ne peut pas. De plus, des études neuroscientifiques montrent que lorsqu’un sujet fait du vélo ou se plonge par son imaginaire dans une activité cycliste, les localisations corticales activées sont les mêmes.

Ce processus serait au cœur de ce que nous appelons l’effet placebo dont la réalité n’est plus discutée. Un placebo est un traitement d’efficacité pharmacologique propre nulle mais agissant, lorsque le sujet pense recevoir un traitement actif, par un mécanisme psychologique ou physiologique. Comment ? La principale hypothèse avance que l’anticipation d’un soulagement active concrètement les voies de la guérison (en termes de mécanismes neurobiologiques). C’est très exactement ce qu’explique notre génial pharmacien nancéien dans son ouvrage « La méthode Coué – La maîtrise de soi par l’autosuggestion consciente » :

« Et comme c’est lui [l’être inconscient – que nous appelons imagination]  qui préside au fonctionnement de tous nos organes par l’intermédiaire du cerveau, il se produit ce fait qui vous semblera plutôt paradoxal que, s’il croit que tel ou tel organe fonctionne bien ou mal, que nous ressentons telle ou telle impression, cet organe, en effet, fonctionne bien ou mal, ou bien nous ressentons telle ou telle impression. »

Mais dans le cas du placebo, me direz-vous, la croyance du patient en l’efficacité de la pilule – alors qu’il s’agit d’une substance inerte – est nécessaire, et le mensonge délibéré de la part du thérapeute n’est pas acceptable. Certes, mais il découle de ce que nous venons de dire que nous pouvons commencer par partager la croyance, entre thérapeute et patient, en la faculté du mental de déclencher via l’imagination des effets réels sur notre organisme – et ce sans avoir à nous mentir.

Ainsi, nous pouvons utiliser intentionnellement ce « pouvoir de l’imaginaire » pour aller dans le sens d’un effet escompté – en particulier dans une perspective de soins. Pour reprendre une nouvelle fois les mots d’Emile Coué, il ne s’agit pas de vouloir guérir mais de s’imaginer guéri. Et voici les consignes du père de la méthode pour y parvenir de façon efficace :

« Comment il faut pratiquer l’autosuggestion consciente.

Tous les matins au réveil et tous les soirs, aussitôt au lit, fermer les yeux et, sans chercher à fixer son attention sur ce que l’on dit, prononcer avec les lèvres , assez haut pour entendre ses propres paroles et en comptant sur une cordelette munie de vingt nœuds, la phrase suivante :

« Tous les jours, à tous points de vue, je vais de mieux en mieux. »

Les mots « à tous points de vue » s’adressant à tout, il est inutile de se faire des autosuggestions particulières.

Faire cette autosuggestion d’une façon aussi simple, aussi enfantine, aussi machinale que possible, par conséquent sans le moindre effort. En un mot la formule doit être répétée sur le ton employé pour réciter des litanies.

De cette façon, l’on arrive à la faire pénétrer mécaniquement dans l’inconscient par l’oreille et, quand elle y a pénétré, elle agit.

Suivre toute sa vie cette méthode qui est aussi bien préventive que curative. »

Ce que préconise Emile Coué, c’est de se répéter sa célèbre formule – qui recouvre toutes les possibilités d’amélioration – tout en étant en état de transe (ou « état hypnotique »). Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il s’agit de l’état de conscience dans lequel toute la puissance de notre esprit n’est employée à rien d’autre qu’à se représenter. De cette absorption dans l’imaginaire résulte une suspension relative de la conscience de l’environnement (que l’on nomme « dissociation »), de la réflexion et de la volonté (« suggestibilité »). Cet état modifié de conscience n’a rien d’exotique ou de mystérieux puisque nous pouvons l’expérimenter, tous les jours, tout simplement lorsque nous sommes « dans la lune », « dans les nuages », ou bien encore – comme le propose ici Emile Coué – dans cet état intermédiaire, lors de certains réveils matinaux ou de phases d’endormissement le soir, où l’on hésite entre le sommeil et l’éveil.

De ce qui précède, je vous propose ci-dessous une reformulation de l’approche d’Emile Coué dans une terminologie psychothérapique actuelle (tout en m’efforçant d’en respecter l’extrême simplicité) :

  1. Auto-hypnose :
    Installez-vous confortablement, fermez les yeux, centrez votre attention sur votre respiration et laissez-vous partir dans la lune (absorbez-vous par exemple dans un souvenir agréable ou dans la représentation d’un lieu où vous vous sentez en sécurité).
  2. Auto-suggestion et visualisation :
    • Répétez plusieurs fois les suggestions correspondant à vos attentes – formulées en termes positifs (par exemple « je vais ressentir du soulagement » au lieu de « je n’aurai plus de douleur »). Vous pouvez bien entendu utiliser la formule d’Emile Coué : « Tous les jours, à tous points de vue, je vais de mieux en mieux. »
    • Employez-vous à vous représenter le plus précisément possible ce que vous souhaitez (directement ou métaphoriquement).
  3. Attente de résultat :
    Ayez foi en la réalité et la puissance de l’effet placebo !

=> Pratiquez quotidiennement jusqu’à la guérison ou l’amélioration des symptômes.

Enfin, et en guise de conclusion, je ne bouderai pas mon plaisir – étant un fan absolu des Beatles – de citer John Lennon qui intégra la célèbre autosuggestion d’Emile Coué dans un titre dédié à son fils Sean pour qu’il n’oublie jamais d’être heureux :

«Before you go to sleep
Say a little prayer
Every day, in every way, it’s getting better and better. »

Avant de t’endormir, Récite une petite prière, Tous les jours, à tous points de vue, je vais de mieux en mieux

(John Lennon « Beautiful Boy (darling Boy) » / Album : Double Fantasy [1980])

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