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Psycho

Ma folie et mon bonheur de ne jamais avoir écouté les autres

A mon retour d’Inde il y a trois ans, alors que je suivais la folle intuition qui m’avait soufflée de troquer mon bureau de journaliste contre un tapis de Yoga, je me suis assise au contact du sol froid de l’aéroport de Doha et j’ai allumé mon téléphone. Après un mois de pratique intense quasi quotidienne et de réveils à 5 heures du matin, il était temps d’affronter les projections de mes proches qui voyaient d’un œil sarcastique ma reconversion professionnelle.

Avant de tout plaquer déjà, on m’avait dit que “personne ne [m’]attendait à Paris pour être professeur de Yoga” (cf mon article Le plaisir et la douleur de vivre sa légende personnelle), ce qui m’avait aussitôt inspirée une pensée : personne n’attend jamais personne nulle part mais si personne n’y va, alors il y aura pour toujours une place à prendre pour celui qui n’y sera jamais allé.

Ce jour là à l’aéroport, je discutais avec une amie sur Whatsapp. J’aurais préféré qu’elle me demande comment j’allais, si l’Inde m’avait finalement mise sans dessus dessous et si j’avais enfin battu mon record d’intoxication alimentaires. A la place, elle m’a prise d’assaut avec un discours bien redondant sur la naïveté dont je redoublais en croyant pouvoir un jour gagner ma vie à enseigner le Yoga. Ce discours, on me l’avait servi sur un plateau des dizaines de fois, et plus je l’entendais, moins je l’écoutais.Le Yoga, oui d’accord, mais qu’en est-il du futur, des aléas de la vie, du confort, des enfants que tu auras sûrement un jour, de la retraite, l’appartement – l’appart-te-ment – bref la vie. C’est pas ça la vie, Laura !”.

Et chaque fois, je réagissais intérieurement de la même façon : comment en sommes-nous arrivés là ? Comment avons-nous pu passer de ce petit être insouciant et courageux, persuadé que rien n’est impossible, dépossédé de la peur d’échouer ou d’être hors du système… A ça ? Et si “c’est pas ça la vie”, alors c’est quoi? Plus de rêves. Pas d’ambition, juste celle de remplir un compte en banque – en prenant soin de garder un cœur vide. Plus de prises de risque ou de folies, sinon celle de suivre une voie que l’on ne s’est pas choisie. Juste de la peur et un conditionnement en béton que “ceci” est la procédure à suivre, et que faire autrement est impensable.

Je n’ai jamais su pourquoi j’étais là mais j’ai compris que c’était une aubaine le premier jour d’université, alors que nous étions 400 étudiants sagement assis dans l’immense amphithéâtre qui allait être témoin des trois prochaines années de retro-projecteur, café froid, grèves et exams. Le président de l’UFR s’est emparé du micro et a dit : “ceux qui ne savent pas ce qu’ils font ici… – j’ai retenu ma respiration – vous êtes exactement au bon endroit”. Ouf. J’ai étudié quatre ans la communication dans un flou total, sans avoir aucune idée du lieu où cela me conduirait… Pour autant, j’ai toujours eu confiance : si je suis ici c’est que je dois y être. A la fin de ma première année de Master, j’ai accepté une offre de CDI totalement inattendue dans une start-up parisienne.

Cela sortait de nulle de part et n’avait rien à voir avec ce que j’avais imaginé après mes études. Je n’avais aucune idée non plus de la raison pour laquelle je me retrouvais là, et pourtant j’y suis restée deux ans… Jusqu’au matin où je me suis réveillée au son de la plus fidèle de mes petites voix : celle qui est toujours là pour me rappeler quand c’est le moment de partir. J’ai donc posé ma dem, voyagé 4 mois, appris une autre langue, trouvé un autre job chez Microsoft… Et ça a été la dernière ligne droite avant de commencer à devenir cette personne, MOI. Mais tout ce que j’avais entrepris avant, contrairement à ce qu’en pensaient les autres, “donc tu as fait tout ça pour rien en résumé ?”, n’était ni plus ni moins que le petit escalier qui me conduisait à la grande porte de ma vérité : celle des rêves que je réalise aujourd’hui. Pour la franchir, il aura fallu que je tende l’oreille, et surtout que je prenne les décisions qui font peur aux autres, mais surtout qui font vibrer mon être et battre mon coeur…

J’ai toujours écouté ma petite voix, pour la simple et bonne raison que je suis incapable de faire semblant, et cela a souvent déclenché une houle incandescente autour de moi. Les gens ne comprennent jamais pourquoi je pars alors que je viens d’arriver, pourquoi je démissionne alors qu’on vient de m’embaucher, pourquoi je quitte mes copains quand on est sur le point de s’engager, pourquoi je change de job après avoir déjà changé de job, pourquoi je fais parfois 4 aller-retours entre la France et l’Indonésie, pourquoi je déménage trois fois dans l’année, pourquoi je change d’avis presque tous les jours… Pour certains, je suis l’indécision incarnée, profondément immature, le prototype parfait de la fille en cavale qui se cherche : “quand même Laura, un jour il faudra peut-être rentrer et commencer à construire quelque chose de sérieux”. Construire quelque chose de sérieux. Mais il n’a rien de plus sérieux que de déconstruire tout ce que je déconstruis, pendant que vous, vous construisez des cancers et des ulcères à l’estomac.

Il est inconcevable pour eux de reconnaitre que je puisse m’être trouvée dans le mouvement, l’incertitude, le jour le jour. Pourtant, le matin quand je me lève, certes je ne sais pas toujours où je vais mais je suis libre. Et chaque journée qui passe est une nouvelle occasion d’ajuster la vie que je me suis choisie, même si cela veut parfois dire qu’il faut tout recommencer – d’ailleurs je crois qu’en vérité, on ne recommence rien, on prend juste un autre chemin, et pour savoir qu’il fallait prendre celui là plutôt qu’un autre, il fallait tout simplement emprunter le chemin sur lequel on était juste avant et se rendre compte que ce n’était pas le bon.

Pour d’autres, je suis une espèce d’héroïne moderne, “une fille qui a des cojones”, qui ose et qui n’a peur de rien. Mais en fait, je suis juste moi. Et moi, cela ressemble d’ailleurs beaucoup aux marées. Je bouge constamment mais, au final, je reviens toujours au point initial : celui de ma vérité. Et de tous les rochers auxquels je me heurte, je ne suis bien souvent que le vent.

Je me souviens de mes amies d’enfance qui voulaient toutes être “chanteuses”, “princesses” ou “maitresse d’école”, pendant que moi je voulais “construire une maison”. Aujourd’hui, ces amies sont toutes mariées, ont des enfants (et une maison). Mais elles ne sont ni chanteuses, ni princesses. Moi, je n’ai rien de tout cela, mais je crois bien que j’ai construis ma maison. Cette maison, elle n’est ni en pierres ni en béton, elle n’a pas non plus de tuiles ou de briques. Ma maison, c’est mes rêves, ceux que je réalise et aussi ceux qui me conduisent à la désillusion. Les montagnes que je gravis, les montagnes d’où je tombe. Les voyages – parfois imaginaires, que j’entreprends vers des paradis – parfois artificiels, qui me transforment de l’intérieur à l’extérieur. Les gens que je rencontre, entre deux avions ou bien pour toujours, qui changent ma vie et à qui je change la leur parfois en retour.

Bref, c’est tout ce qui va rester une fois que mon corps ne sera plus, et qu’il n’y aura plus qu’une énergie pour voir, mais surtout sentir, le chemin qui aura été accompli. Souvent sans savoir où j’allais, pour arriver étrangement arriver là où j’ai toujours voulu être.

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