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Les CNEP

Les crises non épileptiques psychogènes (cnep) (ou encore « Crises Psychogènes Non Epileptiques » (CPNE), nommées parfois aussi « crises dissociatives » ou « fonctionnelles », ces derniers termes étant plus vagues et moins précis) sont une modification du comportement (modification de la conscience et/ou des mouvements et/ou des sensations) soudaine et paroxystique (c’est-à-dire limitée dans le temps avec un début et une fin assez nets).

Aujourd’hui, 1 patient sur 5 adressé à un neurologue spécialiste de l’épilepsie se révèle avoir des cnep. Ces crises vont toucher préférentiellement les femmes (75% de femmes /25% d’hommes). On estime que 5 personnes sur 100 000 par an présentent cette pathologie. Elle a la même incidence dans la population que celle de la sclérose en plaques, par exemple.

Les cnep sont très souvent confondues avec des crises d’épilepsie auxquelles elles ressemblent beaucoup. En effet, la plupart des personnes souffrant de cnep va être diagnostiqué et traité pour épilepsie pendant des années sans résultats. Pourtant les cnep se distinguent clairement des crises d’épilepsie au niveau de leurs causes. Alors que les crises épileptiques sont dues à des anomalies électro-physiologiques (qui sont liées à des anomalies électriques dans le cerveau), les cnep impliquent d’autres phénomènes souvent en lien avec les émotions.

Cette distinction est très importante car cela a des conséquences sur les prises en charge – très différentes – de ces deux maladies.

Bien que d’origine psychologique, les crises psychogènes sont bien réelles et affectent à la fois le fonctionnement du cerveau et celui de la personne. Elles ont un fort impact en terme de qualité de vie et peuvent être la source d’un véritable handicap pour le patient.

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Une pathologie méconnue et stigmatisée

Difficile à diagnostiquer et encore mal connue, la crise non épileptique psychogène est aussi un trouble sur lequel circule de nombreux préjugés ou croyances erronées.

Pendant longtemps d’ailleurs, pour qualifier ce trouble, on a utilisé les termes aussi inappropriés que péjoratifs d’« hystéroépilepsie » ou de « pseudocrises ». En effet, certains symptômes peuvent rappeler les fameuses « grandes attaques hystériques » décrites par le neurologue Charcot et représentées dans le célèbre tableau d’André Brouillet (ou bien plus récemment dans le film Augustine d’Alice Winocour avec Vincent Lindon et Stéphanie Sokolinski). Pourtant, seule une minorité des crises non épileptiques psychogènes partage certains signes avec ce type d’attaques, la grande majorité s’en distingue.

De plus, il est très important de souligner ici que les termes « d’hystérie » et de « crise d’hystérie » (très négativement connotés) ne sont plus d’usage en santé mentale et ont même disparu des classifications internationales.

Une autre idée reçue est que ces crises ont pour but d’attirer l’attention ou encore qu’elles sont simulées. Cela est encore une fois, parfaitement inexact. Les patients ne sont pas responsables de crises qui échappent à leur volonté, elles sont loin d’être intentionnelles ou simulées. Il ne s’agit ni de simulation, ni de troubles factices.

Il est aussi souvent décrit que dans ce type de crises (et contrairement aux crises d’épilepsie), la personne ne peut pas se blesser ou perdre ses urines. Cela aussi est faux. Bien que cela soit plus rare que dans les crises d’épilepsie, cela peut se produire.

Quels sont les signes des crises psychogènes non épileptiques ?

Lors de la crise, on peut remarquer des mouvements non contrôlés des membres, de la tête, du tronc. Les yeux peuvent être fermés ou ouverts. La personne peut ressentir une perte de contact avec l’environnement. Il peut se produire un évanouissement, une chute, des cris, des pleurs… Le patient se souvient rarement de ce tout qui s’est passé pendant la crise.

Une crise très longue avec des fluctuations, des paroles, des cris ou des pleurs peuvent être en faveur de cnep mais ne sont pas des signes certains. Ni la perte d’urine, ni les blessures au cours d’une crise ne permettent d’éliminer des cnep.

Il est important de savoir que la prescription d’un traitement antiépileptique depuis quelques années ne valide pas avec certitude le diagnostic d’épilepsie. Il existe parfois des erreurs diagnostiques, surtout si le traitement n’a pas été mis en place par des spécialistes de l’épilepsie.

Comment diagnostiquer cette maladie?

Le délai moyen pour arriver au diagnostic de ce trouble est d’environ 7 ans, c’est-à-dire que pendant toutes ces années, la plupart des patients souffrant de cnep ont été diagnostiqués et traités avec des traitements antiépileptiques qui se sont montrés peu concluants. La symptomatologie (c’est-à-dire l’ensemble des signes) des cnep est très proche de celle retrouvée dans l’épilepsie.

Il est souvent difficile pour le médecin de faire le diagnostic de cette maladie et ceci d’autant plus qu’il assiste rarement à la crise et qu’il ne doit se fier qu’à la description du patient ou d’un tiers. Les cnep sont donc souvent confondues avec des épilepsies pharmaco-résistantes (épilepsies où il existe une persistance des crises malgré le traitement antiépileptique).

L’absence d’anomalie à un examen qui s’appelle l’EEG (électroencéphalogramme) après ou entre les crises n’est pas suffisant pour porter le diagnostic.

Le diagnostic peut être porté par un neurologue spécialiste de l’épilepsie parfois sur une vidéo de crise prise par l’entourage ou sur un interrogatoire très poussé avec beaucoup d’éléments et de signes précis rapportés par l’entourage. Sinon, le diagnostic de certitude est celui de l’enregistrement d’une crise cnep au cours d’un examen en vidéo EEG, c’est-à-dire d’un examen EEG long de plusieurs heures ou jours où le patient est filmé et où il fait une crise. Au cours de la crise, le neurologue ne retrouve pas d’anomalies électriques typiques de l’épilepsie au niveau de son cerveau. Le diagnostic le plus sûr est celui qui va être confirmé dans le cadre de consultation pluridisciplinaire avec un avis neurologique et un avis psychiatrique.

Pathologies associées

Pathologies neurologiques :

10 à 20 % des patients ayant des cnep souffrent aussi d’épilepsie et environ 30 % des patients épileptiques feront un jour des crises psychogènes non épileptiques, ce qui compliquent encore le diagnostic.

20% à 30% des patients ont subi des traumatismes crâniens.

20% ont eu des difficultés d’apprentissage au cours de leur scolarité.

Pathologies psychiatriques :

Elles sont présentent dans 70% des cas : troubles dépressifs, troubles anxieux dont syndrome de stress post-traumatique ou autres troubles somatoformes ou dissociatifs.

Quelles sont les causes des crises ?

Les causes des crises ne sont pas toujours évidentes ou connues. Elles sont multiples et leurs origines diverses.

Nous pouvons cependant définir 3 grandes catégories de facteurs, les « 3 P » :

  • Les facteurs Prédisosants : ce sont ceux qui rendent la personne plus vulnérable, et qui la prédisposent à faire des cnep un jour.
  • Les facteurs Précipitants : ce sont les facteurs qui déclenchent, vont précipiter les crises. Parmi ces derniers, on va établir une distinction supplémentaire : ceux qui surviennent dans les mois avant la première crise, et ceux que l’on retrouve souvent avant chaque nouvelle crise.
  • Les facteurs Perpétuants qui perpétuent et maintiennent les crises dans le temps après leur commencement.

Tous les patients qui souffrent de cnep ne présentent pas l’ensemble de ces facteurs. Ils vont en présenter certains. Il est important de les rechercher. Ils sont exposés ci-dessous.

  • Parmi les facteurs Prédisposants :
    • Des facteurs neurologiques :
      • épilepsie,
      • traumatisme crânien,
      • difficultés d’apprentissage,
      • petites anomalies à l’IRM cérébral (examen d’imagerie du cerveau)
    • Des facteurs psychologiques :
    • Des facteurs traumatiques :
      • 75% des patients ont vécu des expériences traumatiques plus ou moins intenses.
      • Ces traumatismes peuvent être vécus dans l’enfance et/ou à l’âge adulte.
      • Ces traumatismes peuvent être des abus physiques, des agressions, des abus sexuels (attouchements, viol, etc.), de la maltraitance affective (manque d’amour, enfant non désiré, etc.), un harcèlement, un décès violent ou particulièrement mal vécu, une maladie grave chez un proche…
  • Facteurs Précipitants peuvent se distinguer en 2 catégories :
    • Ceux survenant dans l’année qui précède l’apparition des symptômes :
      • Un nouveau traumatisme,
      • Des situations stressantes,
      • Des situations conflictuelles…
    • Ceux présents régulièrement juste avant l’apparition des crises :
      • L’anxiété, la tristesse, la colère, un sentiment d’impuissance,
      • Un sentiment de fatigue intense,
      • Des émotions positives comme la joie, la surprise…
      • Des situations de conflits, de frustrations ou nécessitant de la patience,
      • Des consultations et examens médicaux,
      • Mais aussi des situations apparemment neutres.
      • Peu de patients sont spontanément en mesure d’identifier ces facteurs déclenchants.
  • Facteurs Perpétuants :
    • Les facteurs de maintien liés au patient :
      • Le stress, la dépression
      • Les situations conflictuelles.
      • Le fait de se reconnaître et de se définir avant tout comme malade plutôt que comme personne.
      • Parfois le fait que les crises permettent un arrêt de scolarité, de travail, une attention particulière… et que cela rassure ou apaise inconsciemment la personne.
      • Le refus ou le déni d’une cause avec des facteurs psychologiques, émotionnels.
    • Les facteurs de maintien liés à l’entourage :
      • L’anxiété, les questions sur la gravité et la peur qui renforcent souvent la peur du patient lui-même.
      • Une attention particulière qui peut quelquefois combler le patient s’il en manquait ou au contraire le gêner et augmenter son malaise.
      • Une surprotection avec de la surveillance, des interdictions, des restrictions d’activité qui favorisent un sentiment d’incapacité.
    • Les facteurs de maintien liés au milieu médical :
      • La multiplication des examens médicaux et des consultations médicales qui sont la source de peurs, d’interrogations…
      • L’erreur diagnostique, la prescription de traitements antiépileptiques non efficaces et parfois même avec des effets secondaires.
      • Des discours différents entre les professionnels, parfois une certaine méconnaissance de cette pathologie ou des préjugés qui ont tendance à perdre le patient ou à renforcer un sentiment d’incompréhension.

Aucun facteur pris individuellement ne peut attester le diagnostic cnep. Les patients épileptiques peuvent partager aussi ces facteurs. D’où la nécessité d’avoir un diagnostic posé par un spécialiste.

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Quels sont les mécanismes en jeu dans les crises ?

Comme souvent dans les maladies psychiques, il n’existe pas une cause qui pourrait expliquer un trouble, mais bel et bien un faisceau de causes qui seraient à l’origine de la maladie. Il en est de même pour les cnep. Plusieurs mécanismes expliqueraient le déclenchement de cette pathologie : des mécanismes cérébraux complexes, un phénomène dissociatif aigu et des perturbations émotionnelles fortes.

Des mécanismes cérébraux complexes :

Les mécanismes ne sont pas entièrement élucidés car ils sont à la fois complexes et hétérogènes. Mais des données récentes de recherche permettent de mieux en mieux de les appréhender.

Nous avons actuellement la certitude qu’il se passe « bien quelque chose dans le cerveau ». En effet, ce n’est pas parce que l’origine est « psy » que rien n’est visible dans le cerveau.

Les crises psychogènes non épileptiques sont fonctionnelles et non lésionnelles ce qui signifie qu’à certains moments, différentes zones du cerveau se mettent à dysfonctionner – c’est-à-dire soit à trop, soit à pas assez fonctionner – mais que cela est réversible. Il n’y a pas de lésion (tumeur, sang…) ni des phénomènes électriques comme dans les crises d’épilepsie.

Un phénomène dissociatif aigu :

Les experts assurent que la Crise Non Epileptique Psychogène est un phénomène dissociatif aigu intense et limité dans le temps (paroxystique). A des moments le cerveau va se dissocier et la personne va perdre le contrôle sur sa conscience ou ses actions. Les patients rapportent très bien d’ailleurs ce phénomène : « je me déconnecte », « je me mets en veille », « mon cerveau s’éteint », «  je suis là sans être là ».

Mais qu’est la « dissociation » exactement ?

La « dissociation » est un phénomène normal, physiologique que nous expérimentons tous. Normalement quand nous sommes éveillés, notre conscience, notre corps, mais aussi nos pensées, notre mémoire, nos émotions forment un tout bien unifié. Mais il arrive parfois lorsque (pour reprendre un exemple fréquemment cité) l’on est au volant de sa voiture sur un trajet que l’on connaît bien, qu’une partie de nos pensées soit accaparée par des idées ou des émotions autres que celles liées à la conduite et que d’un coup s’en être rendu compte, on se retrouve à notre point d’arrivée. Pourtant nous avons pu freiner, nous arrêter aux feux, doubler de manière appropriée et arriver à bon port sans incident. Ce phénomène courant est ce que l’on nomme « un phénomène dissociatif ».

Dissociation et traumatisme : un mécanisme utile

En cas d’évènement traumatisant, la dissociation est aussi très utile. C’est un mécanisme de défense naturel. Il permet par exemple à une victime paralysée par la peur lors d’un attentat meurtrier dans le métro d’avoir la possibilité de déconnecter son corps de ses émotions et de ses pensées et de lui permettre ainsi de trouver l’énergie pour s’enfuir.

Dissociation et cnep

Pour expliquer l’apparition des cnep, on suppose qu’il y a souvent (mais non obligatoirement) un évènement traumatisant initial qui va être le déclencheur d’un premier mécanisme dissociatif fort. Cette dissociation va devenir au fil du temps de plus en plus habituelle et se déclencher au moindre événement stressant ou conflictuel. Dans cette hypothèse, ce sera à la faveur d’un nouvel évènement déclenchant que ce mécanisme de dissociation va encore s’accentuer et s’aggraver jusqu’à entrainer parfois une crise non épileptique psychogène telle que nous l’avons décrite plus haut.

L’ensemble de ce processus qui se développe en plusieurs étapes est favorisé par des particularités cérébrales et une vulnérabilité neurobiologique.

Perturbations émotionnelles :

Il est bien connu que le stress peut provoquer des réactions physiques telles que : palpitations, transpiration, maux de tête ou autres…

Une manière d’être affecté par le stress et les émotions est de faire des crises psychogènes non épileptiques. Il existe de fortes perturbations émotionnelles chez les personnes souffrant de cnep. Ces personnes ont souvent du mal à identifier, verbaliser (exprimer), réguler leurs émotions et ont parfois tendance à les fuir ou à lutter contre.

La prise en charge des cnep

Une fois le diagnostic posé, il est important pour le patient et son entourage que chacun comprenne bien que la personne souffrant de cnep n’est ni « folle », ni « simulatrice ». Ses crises sont bien réelles et ont une véritable incidence sur sa qualité de vie.

Sans prise en charge psychologique, les crises risquent de persister, voire de s’aggraver alors qu’il existe des traitements et une prise en charge de cette maladie.

Les antiépileptiques sont inefficaces pour les cnep:

Les antiépileptiques sont inefficaces et au contraire pourvoyeur d’effets secondaires parfois handicapants. Leur seule indication est s’il existe des crises d’épilepsie associées et que cela a été validé par un spécialiste de l’épilepsie. Par contre, il ne faut jamais arrêter de traitement antiépileptique brutalement car cela peut être dangereux, cela doit toujours se faire sous contrôle médical.

Le traitement le plus adapté est psychologique ou psychiatrique.

Le patient doit s’adresser à un psychiatre ou un psychologue. Pour une prise en charge efficace, il est important de se sentir à l’aise et en confiance avec son thérapeute et cela peut prendre 2 ou 3 entretiens. Mais, il est aussi possible d’en changer pour un autre si « le courant ne passe vraiment pas » ou « pas vraiment ».

L’objectif du traitement psychiatrique est de stopper ou de réduire l’apparition des crises. Le psychologue, ou le psychiatre, va aider le patient à identifier les 3 types de facteurs : prédisposants, précipitants, perpétuants. Le travail porte aussi sur l’identification des émotions et la gestion émotionnelle. En cas d’expérience traumatique, le thérapeute va aussi travailler avec le patient sur ce traumatisme.

Différents types de thérapies peuvent être employés comme les TCC (thérapies cognitivo-comportementales), les thérapies avec des mouvements oculaires (l’EMDR, IMO), l’hypnose, les thérapies brèves, les thérapies interpersonnelles voire d’inspiration psychanalytique ou encore des techniques de relaxation ou de méditation. Les antidépresseurs sont utiles en cas de pathologies psychiatriques associées comme la dépression, le syndrome de stress post traumatique, ou d’autres troubles anxieux.

Il n’existe à l’heure actuelle que peu de travaux sur le sujet et aucune association de patients regroupant les personnes affectées par ce trouble et leur entourage.

La fédération des associations de personnes handicapées par des épilepsies sévères est l’EFAPPE

L’auteur de cet article a rédigé des plaquettes spécifiques à destination des médecins généralistes, des patients et de leur entourage et des psychologues et des psychiatres. Téléchargeables ci-dessus:

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