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Psycho

La paix au milieu des bombes ?

Vendredi 13 novembre, il est 22H, mon dernier cours de la journée se termine. Après une heure d’effort intense, mes élèves s’allongent dans la posture qu’ils attendent le plus : Savasana, le cadavre.
A quelques kilomètres de là, 129 personnes sont sur le point d’expérimenter la même posture, mais dans un contexte quelque peu différent…

22h20, je quitte la salle le sourire aux lèvres. Donner un cours et voir les visages s’illuminer, c’est la meilleure façon de terminer une longue journée. Quelques minutes après, dans la ligne 8 du métro parisien, je reçois un message de ma meilleure amie : « Tu es chez toi ? ». Le premier d’une longue série. Quelque chose se passe… Puis très vite, on me dit : « Il y a une fusillade dans Paris ».

Arrivée à République, le métro continue sur sa lancée sans marquer l’arrêt. La voix du chauffeur au micro est étrange, il nous explique que d’après les consignes de la Police, on devra attendre la prochaine station pour descendre. Je sors deux arrêts plus loin et me retrouve au milieu des sirènes, de policiers ultra nerveux qui hurlent après les riverains visiblement peu enclins à suivre leurs consignes, des voitures dont on interrompt brusquement le trajet pour laisser passer d’autres véhicules lancés à pleine vitesse. A quelques rues, Le Bataclan, baigne déjà dans une marée de sang…

Je cours pour rentrer chez moi et allume la télévision. Je passe 3 heures à regarder l’impensable, l’indicible. L’Etre humain sans humanité. Le monde tel qu’on l’a laissé devenir… Je coupe les informations vers 2 heures du matin et tente, tant bien que mal, de trouver la paix à l’intérieur de moi. Mais comment est-ce possible ? Je finis pas aller me coucher, complètement abasourdie et avec pour seul réconfort tous ces messages que je reçois des gens que j’aime. Le bruit incessant des sirènes me maintient éveillée encore quelques instants. Je finis par plonger dans un sommeil noir, sans rêves ni couleurs.

Le jour pénètre dans ma chambre : c’est le matin et la lumière me rappelle que le soleil se lève quoi qu’il arrive… Je suis fatiguée avant même d’avoir ouvert les yeux. Ce n’était pas un cauchemar… Dans 2 heures, je donne mon premier cours de la journée. Où trouver l’énergie ? La joie ? Que transmettre à mes élèves qui auront, à coup sûr, encore plus besoin de moi aujourd’hui ? Je ne sais pas. Mais pour l’instant, je dois sortir dans la rue et prendre le métro…

Paris est désert. Août en plein mois de novembre… Je marche seule sur des trottoirs où, d’ordinaire, j’ai peine à circuler avec mon tapis de Yoga et les gens pressés. Le métro est un train fantôme. Je traverse la ville seule au monde en récitant des mantras dans ma tête – mantras que l’on m’a transmis quelques jours plus tôt à la venue d’Amma, comme si cette conscience supérieure savait qu’ils auraient bientôt une utilité… Aucun arrondissement ne fait exception au silence. Paris s’est tu.

Mon premier cours est vide. La journée sera comme cela, je me dis… En vérité, il n’est encore que 13h et les gens sont encore sonnés. Le cours d’après, à 17h, sera quant à lui complet. Quatorze visages tristes mais quatorze visages quand même, qui sont bien là devant moi, attendant quelque chose pour les sauver. Je ne sais pas comment je vais les guider alors que mon cœur est brisé. Alors que LEUR cœur est brisé. Puisqu’ils sont en nombre pair, ce sera Partner Yoga ! Pendant une heure 30, on retrouve un peu de bonne humeur au contact des uns et des autres. Et c’est là que je comprends, encore une fois, qu’on ne pourra jamais changer les choses qui sont. On peut seulement changer la façon dont nous entrons en interaction avec elles… C’est aussi là que je réalise à quel point nous avons besoin de l’autre. Alors pourquoi le tuer ?

Je ne sais pas si le juste l’emportera, je ne sais pas si un jour nous pourrons vivre tous ensemble, je ne dis pas non plus que ce qui arrive est la volonté d’un être suprême et que par conséquent c’est ce qui doit arriver –si vraiment je devais émettre un avis là dessus, je dirais plutôt que ce qui est à l’extérieur n’est ni plus ni moins que le reflet de notre propre état intérieur… Pour autant, je peux choisir de demeurer en paix au milieu de ce chaos. Comment ? En refusant de rentrer en interaction avec lui.

Cela ne veut pas dire que je dois accepter ce qu’il se passe ou bien me résigner. Non, je ne suis pas d’accord avec ce qu’il se passe et je ne le serai jamais… ! Mais je n’entre pas en révolte, ni en soumission avec cela. Je ne nie pas non plus ce qui est en train de se produire. Cela existe, c’est bien là. C’est juste que je décide de demeurer tranquille au milieu de tout cela, bien que mon cœur soit brisé et mes espoirs peu nombreux.

Car la seule paix qui existe, c’est la paix que nous expérimentons avec la non paix. C’est rester paisible exactement là où, en temps normal, on aurait fui. Non pas parce que les choses vont s’arranger, nous n’en savons fichtre rien – et puis tenter de se rassurer avec des points d’interrogation n’a en réalité jamais rassuré personne. Mais parce qu’être tranquille à l’endroit même où le chaos sévit, c’est la seule façon de faire exister la paix… Et tant pis si les méchants l’emportent.

Je serai toujours là, assise en terrasse, à boire mon verre de vin et à papoter avec mes copines, avant de rentrer pompette chez moi, faire du Yoga ou bien m’envoyer en l’air avec mon meilleur ami. Peut être même ma meilleure amie, qui sait ? Et tu pourras faire exploser toutes les bombes que tu veux, cela ne changera jamais.

Photo : @riva_g_

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