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Two ultra spiritual people practicing Yoga in connexion with Mother Nature
Aujourd’hui j’ai envie que vous sachiez que je me marre. Je me marre des gens, je me marre des réseaux sociaux et je n’ai aucune honte de le dire : je me marre du YOGA. « La prof de Yoga qui se rit du Yoga, elle n’a pas mangé ses graines de Chia ce matin ou quoi ? ».
Et bah SI, je les ai mangées. Mais surtout, je les ai prises en photo, j’ai mis un filtre et je les ai postées sur Instagram avec un hashtag « better way to start the day / you are what you eat / and also what you pooped ».
Ensuite, je me suis rendue dans un nouveau studio / appartement / open-space / loft trendy qui vient d’ouvrir ses portes dans un quartier chic parisien pour vous faire faire du « Yoga » à 50 balles de l’heure, en finissant sur une méditation « you are enough, you are enough« . 50 euros it’s enough too. Puis je suis partie dans mon leggin Lululemon boire un Chia Latte chez Starbuck et actualiser mon statut Facebook pour que tout le monde sache que mon cours était SUPER GENIAL et que je suis SUPER GRATEFUL d’avoir fait raquer toutes ces meufs pour leur faire faire 3 minutes de grand écart. Mais c’était pour la bonne cause puisque maintenant, leur Anahata est opened as fuck et une armée de licornes jaillit entre chacune de leurs cages thoraciques.
Puis est arrivée l’heure de mon cours en tant qu’élève – parce que oui, je suis professeur mais élève avant tout. Je me suis donc rendue dans un nouveau studio dont le tout monde parle, assister au cours de la prof dont tout le monde parle sur son tapis dont tout le monde parle, pour faire du Yoga dont tout le monde parle – mais auquel personne ne comprend rien. Mais qu’importe, puisqu’on en parle !
A la fin du cours, afin que nous partagions notre Chi et notre transpiration, j’ai pris un selfie avec la prof – qui ne retiendra probablement jamais mon nom mais c’est pas grave, ONE SELFIE IT’S ENOUGH – mais surtout afin que tout le monde sache que je suis encore PLUS GRATEFUL de cette journée merveilleuse et que grâce à ce super karma, j’ai beaucoup appris sur moi-même pendant ce cours, notamment à quel point je suis flexible quand Mercure est en rétrograde – flexible à l’extérieur, parce qu’à l’intérieur on s’en fout ça ne se voit pas sur Snapchat.
Le soir, je me suis couchée en Savasana dans mon lit et, après m’être écoutée parler toute la journée, je me suis enfin écoutée respirer. C’est fou à quel point la respiration ne s’arrête jamais. On inspire, on expire, puis on inspire à nouveau. Mais j’ai vite arrête d’écouter parce que trois respirations yogiques IT’S ENOUGH pour atteindre le Samadhi.
Avant de dormir, je me suis repassée en boucle ma story… Waou, déjà 158 followers m’ont regardées m’étirer en cat pose, manger mon Chia Pudding hashtag you are what you pooped, prendre le métro en me protégeant des mauvaises énergies, et tout le reste. Attend mais 158 followers, IT’S NOT ENOUGH. Je vais poster une dernière petite photo sur Insta et demain matin, au réveil, tous ces likes feront vibrer mon corps astral.
Le but de tout ça, vous montrer la vie merveilleuse que vous n’aurez probablement jamais mais ne soyez pas désespérés : peut-être un jour, quand vous aurez alignés vos chakras, because your vibes attract your tribe, vous en serez au même point que moi. En attendant, you are enough. Nooooon je blague, tout ça c’est pour vous INSPIRER, I AM ENOUGH AND… GENEROUS. Parce que oui, une fois que vous aurez bien culpabilisé de ne pas être aussi équilibré que moi, peut être trouverez-vous un peu d’inspiration ?
Plus sérieusement…
…tout cela n’a rien à voir avec le Yoga – ou en tout cas, la vision que j’en ai. C’est en parti pour ceci que je suis partie de Paris et aujourd’hui j’ai envie de vous montrer la vérité, MA vérité :
I AM NOT ENOUGH, I AM BROKEN
Moi aussi, comme tous ces « yogis » en plastique qui se publient dans des postures impressionnantes mais pleines d’invraisemblance, j’ai tenté de masquer les postures dans lesquelles je n’étais pas aseptisée : la vulnérabilité, la peur, la tristesse, le jugement, le manque de confiance en soi…
Parfois, sur le tapis, je trouve un peu de paix avec moi-même, mais quand je me regarde dans le miroir, je vois encore beaucoup de complexes, de choses qui ne me plaisent pas, et je me demande quand est-ce que je ne verrai que ce qu’il y a de « beau » chez moi ? Je connais la réponse : c’est MAINTENANT. Mais maintenant, j’ai beau tenté de méditer, et j’ai beau y arriver de temps en temps, c’est encore une notion qui peut m’échapper. Alors oui, c’est vrai, il y a des instants de pure simplicité où je m’accepte comme je suis, mais dans ces moments-là, je n’ai pas envie de le montrer à la terre entière. C’est dans mon cœur et c’est largement suffisant pour me remplir.
Le Yoga m’a aidée à avoir un nouveau regard sur la vie, sur MA vie, et tout le potentiel de transformation que représentent les épreuves que j’ai pu traverser. Mais cela a demandé des heures et des heures de prise de hauteur, de lâcher prise, de lecture, de réflexion, de pratique, de concentration, de moment seule à pleurer. De moments seules à rire aussi. Et parce qu’on a jamais fini de travailler sur soi, je me sens encore parfois comme cet enfant abandonnée, seule, incomprise et en manque d’affection. Ce personnage a mis en place tellement rencontres et de désillusions, a façonné tellement de situations dans lesquelles je me suis retrouvée et dans lesquelles je me retrouve encore. Parce que cela prend du temps, des mois, des années, des vies, à transcender le conditionnement dans lequel nous nous sommes enfermés. Et ce n’est pas en un teacher training qu’on efface l’ardoise du passé.
Mon corps n’est pas comme je vous le donne à voir sur les réseaux sociaux – fort, équilibré, harmonieux, souple. Lui aussi, il est broken. J’ai eu de multiples accidents et aujourd’hui, d’énormes problèmes de dos. Clairement, il ne se passe pas une seule journée sans que je n’en souffre. Alors forcément, tout ce speech sur « respire et ça ira mieux ; accepte cette souffrance et elle disparaîtra ; ton corps essaie de te dire quelque chose » me fait parfois doucement rigoler. Mon corps essaie de me dire que j’en chie voilà tout, et que je l’ai bien négligé pendant tout ce temps, à me détester, à me juger, à me comparer, à me donner pour ressentir ce que je pensais être de l’amour, mais qui n’était en réalité que de la poussière. Oui c’est vrai, le Yoga m’aide à me reconstruire, mais le vrai travail qu’on fait sur soi est invisible sur la toile. Le reste n’est qu’un panneau publicitaire culpabilisant pour les autres femmes, qui n’ont pas besoin de savoir qu’on peut se mettre sur la tête, mais plutôt qu’on peut parvenir à une forme d’acceptation de soi, même quand est brisé à l’intérieur.
La recherche de l’équilibre est pleine de déconvenues : car pour approcher l’harmonie il faut d’abord mettre son nez dans tous les aspects de soi les plus désaxés. Et croyez-moi, j’ai beau avoir l’air du contraire, je suis encore en pleine quête de la femme qui est en moi. Même si je suis beaucoup dans l’écoute, la créativité et l’intuition, mon côté masculin prend énormément l’ascendant sur le reste. Je suis constamment dans l’action et d’ailleurs, l’un de mes deuxièmes prénoms, Diane, me correspond tellement. Je suis une vraie chasseuse, une vraie amazone, une guerrière. Et je peux parfois manquer énormément de douceur. Je me sens bien quand j’agis en mec… Imaginez à quel point cela peut être désarmant de se comporter comme un homme…avec les hommes ? avec les femmes ? avec soi-même… Quand on est une femme.
Balance… la sauce
Voilà une satire ponctuée d’un exutoire que je n’avais pas vraiment prévu d’écrire, mais contrairement aux apparences j’essaie de juger le moins possible. Les autres comme moi-même. Je sais que tout ce qu’il se produit dans notre société actuelle n’est que le reflet de notre propre malaise intérieur. Et ce serait franchement prétentieux de me sentir non concernée alors que j’essaie de faire comprendre aux gens qui m’entourent que nous sommes tous connectés.
Le « problème » est que nous voulons du bien-être, une meilleure qualité de vie, prendre soin de nous mais sans se départir de l’ego alors que c’est LUI justement qui nous divise. Drôle de façon de procéder…
Cela dit, pour que la lumière existe, il faut bien de l’ombre quelque part… Alors même si je me marre, je respecte que les yogis se mettent en scène sur les réseaux sociaux en balançant des discours spirituels à la Laurent Gounelle – et d’ailleurs je le fais encore aussi. Pourquoi ? Parce que peut-être que cela plantera une graine quelque part. Je suis également satisfaite si des lieux hypes ouvrent dans les capitales car je me dis que parmi les petites nana qui vont s’y contorsionner, il y en aura peut-être une qui sera vraiment touchée par ce qu’elle fait et qu’elle contaminera ses amies. Qui sait en quel lieu merveilleux cela pourra les conduire ? Je peux aussi ressentir énormément de plénitude en voyant tout cet étalage sur le Yoga, qui d’où je suis me semble encore plus illusoire et superficiel, mais qui n’en reste pas moins le cheminement collectif…
Finalement, le Yoga ne se pratique pas plus dans un Ashram que dans un studio du Marais… Il se pratique là où tu te sens BIEN. Il se pratique aussi beaucoup dans le cœur, là où on est en parfaite harmonie avec soi, là où on est… enough 😉