Au cours de mes dernières publications, si vous les avez lues, vous savez que j’ai partagé des aspects plus sombres de moi. Je vous ai notamment raconté comment la douleur m’a escortée en des recoins de mon être que j’avais pris soin d’ignorer parce que je ne voulais pas les voir. Mais je vous ai aussi raconté comment cette aventure me permettait de toucher la vérité, en réponse à la quête qui m’habite depuis quelques temps… Or, aussi palpitante et merveilleuse soit cette quête d’authenticité, elle est aussi éprouvante, difficile et pas toujours très reluisante.
Pendant toute cette période, et encore aujourd’hui, il y a eu des jours où me regarder dans le miroir était en effet pour le moins déconcertant. Comme si mon visage était « défait » par la fatigue et d’autres choses aussi – j’ai compris plus tard que pendant ce processus de mutation intérieure on capte des fréquences qui pompent énormément d’énergie… Mais je suis bien souvent la seule à voir cet aspect là de moi. Non pas que je prenne soin de cacher aux autres les symptômes de mon éveil spirituel, mais c’est comme si cette facette voulait rester secrète, intime – parce que c’est ce qu’elle est, finalement. J’ai ainsi souvent entendu mes amis, élèves ou inconnus qui me rencontraient à Bali s’exclamer : « qu’est-ce que tu rayonnes, la vie ici te va si bien, waou… ». Et moi, de penser en mon for intérieur : « si seulement ils savaient… », à quel point c’est dur, à quel point j’ai mal, à quel moins c’est moche parfois. Et pourtant, oui, je suis heureuse. Mais laissez-moi vous dire une chose : l’éveil spirituel n’est pas seulement fait de lumière, de joie et d’extase – ceci est une interprétation bien occidentale de la spiritualité. Et elle est totalement erronée.
J’évoque souvent sur ce blog la période où j’enseignais le Yoga à Paris. Mes élèves et les gens que je croisais plus généralement de part cette activité me disaient souvent que ma présence, mon énergie, avait quelque chose d’éblouissant – ce que j’avais du mal à croire mais cela revenait si souvent que j’avais fini par penser que cela été peut-être vrai… Il était donc tout naturel que certaines de ces personnes se soient demandées, à la lecture des précédents articles que j’ai publiés et où je parle de souffrance ultime, d’idées noires, comment j’avais pu laisser cette lumière s’éteindre, où était passée la prof de Yoga rayonnante qu’ils avaient connue – je le dis parce que j’ai reçu quelques messages à ce sujet… Ce à quoi j’aimerais répondre aujourd’hui : « You are here on hearth to unearth who on earth you are » – pardonnez-moi l’anglais, mais je trouve cette phrase tellement parfaite ainsi. Je la traduirais toutefois par « vous êtes sur terre pour tuer ce que sur terre vous êtes ».
L’éveil spirituel est un processus multiple qui, de part sa nature, implique des mises à l’épreuve qui ne sont ni jolies, ni agréables. Ce processus consiste, entre autres, en la déconstruction de l’identité et de la notion de soi à laquelle nous sommes accrochés depuis parfois tant d’années, ces cadres bien structurés dans lesquels nous nous sommes façonnés, et contre lesquels il va falloir se rebeller… Et oui, je suis désolée de vous l’apprendre, mais la professeur de Yoga au visage pacifié par les bonnes intentions est aussi une construction de l’ego. Elle doit mourir, comme tout le reste, pour que je me réveille, et que tu te réveilles aussi.
Souvent, arrivés à l’âge adulte nous nous retrouvons enlisés sous un tas de couches que nous avons laissées prendre part de nous (la religion, la famille, l’éducation, la société…) et qui malheureusement ne servent pas nos « grands objectifs », notre légende personnelle comme j’aime si bien l’appeler.
Se délester de ces identités signifie lâcher prise sur ce qui est confortable, embrasser ses traumatismes afin de découvrir dans quelle mesure ils nous retiennent – pour que cela cesse de se produire – mais aussi découvrir ce qu’ils ont à nous apprendre sur nous, qui n’est d’ailleurs peut-être pas si laid que ce que nous le pensons. Et enfin, se regarder dans le miroir exactement tel que nous sommes, et y voir notre vérité intérieure.
Ce processus nous emmène souvent vers ce qu’on désigne communément comme « la nuit noire de l’âme », où il n’y a rien de connu à quoi s’agripper, où tous nos masques tombent et tous nos schémas mentaux s’effondrent… Mais surtout, un endroit d’où l’on ne revient jamais et cela même si nous le souhaitons parce que, désormais, nous savons trop bien. Pendant ma phase d’éveil, j’ai laissé tomber beaucoup d’aspects de la spiritualité parce que cela faisait justement parti du processus : nier la vérité. Nier ce que l’on est en train de découvrir sur soi. Un peu comme les êtres humains qui sont encore dans le déni de leur responsabilité quant à, par exemple, la souffrance animale. Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres…
Contrairement à ce que prétend la fameuse allégorie de la cave, voir la lumière ne résoudra jamais aucun de nos problèmes. Ici encore, il s’agit d’une occidentalisation de la spiritualité. L’éveil est, bien entendu, un magnifique processus, mais ce n’est certainement pas un ticket sans escale vers la grâce. L’éveil implique aussi de dire au revoir à certaines personnes, des endroits et situations confortables auxquels nous nous sommes connectés. C’est tomber dans les limbes, être aveuglé par tout le gaspillage – on ne se laisse d’ailleurs plus beaucoup divertir par des sources extérieures – et souvent découragé par la vérité. C’est avant toute chose un travail. Un travail magnifique… Mais ce n’est surtout pas un joli processus, et cela n’a souvient rien de reluisant… C’est tout déconstruire, et même si cela peut de ce fait paraître effrayant, cela en vaut tellement la peine… Car après avoir tout déconstruit, on peut enfin renaître de ses cendres.
« Some days I am goddess. Some days I am a wild child. And some days I m a fragile mess. Most days I am a bit of all three. But everyday I am here, trying ». S.C Lourie