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Condition Féminine

Sciences et différences des sexes

Cet exposé va s’intéresser aux études scientifiques relatives aux femmes et aux hommes. Il est indéniable qu’il existe des différences entre les deux sexes de l’espèce humaine, ne serait ce qu’au niveau physique (sexe, poitrine ….). Ce constat nous amène à nous demander quelles sont exactement ces différences et à quoi sont-elles dues ?

Ces questions sont passionnantes mais aussi très dangereuses par leur caractère politique évident . On peut craindre toutes les dérives sur ce type de sujet, comme d’essayer de démontrer une supériorité d’un sexe sur l’autre (le plus souvent les hommes sur les femmes !) ou de prouver des différences essentielles qui induiraient des comportements sociaux sexués (les femmes à la maison pour élever les enfants…). Ces dérapages possibles poussent à revenir sur le caractère scientifique de ces études et plus généralement sur la place et l’image des sciences dans nos sociétés « occidentales ».

On entend beaucoup de personnes nous affirmer que la femme possède des qualités propres et que c’est prouvé scientifiquement. Les sciences ont une telle aura qu’elles sont utilisées comme caution à tout bout de champ. Or, bien souvent, les études sur les différences sexuelles ne sont pas très sérieuses et de toute façon, les mieux réalisées restent peu fiable par le sujet même de l’étude : l’être humain. Il est en effet délicat de disposer de cobayes humains et les comportements des femmes et des hommes étant terriblement complexes, il est bien difficile d’analyser l’effet d’un élément particulier, comme une hormone ou un gène.

De plus, les sciences ne sont en aucun cas les détentrices de la vérité. Il n’y a pas de vérité scientifique, même si la définition du mot science peut le laisser entendre (« Ensemble de connaissances ayant un objet déterminé et reconnu et une méthode propre » – Le petit Robert 1998). Actuellement, l’école et les médias nous offrent une image déformée des sciences : elles semblent figées et nous fournissent des explications non discutables. Or ce n’est pas le cas. Les théories scientifiques sont basées sur des observations et des expériences censées être vérifiables. Elles sont donc sujet à des remises en question, à la différence des dogmes religieux auxquels on est prié de croire un point c’est tout. Les sciences ne connaissent pas la vérité mais seulement des théories permettant d’expliquer et de prédire des phénomènes, plus ou moins précisément mais jamais exactement. Enfin, il faut garder en mémoire qu’un observateur parfait (objectif et qui n’interagit pas avec ce qu’il étudie) n’existe pas. Il influence l’expérience (voir à ce sujet le cas du chat de Shrödinger en mécanique quantique) et les conclusions qu’il en tire.

Exerçons donc un regard critique envers les sciences et plus particulièrement les sciences dont les répercutions philosophiques et politiques sont grandes : l’étude de l’origine de l’univers et les sciences de la vie. Dans cette optique, nous allons réaliser un rapide historique des théories sur le rôle des hommes et des femmes dans la procréation. Puis nous nous intéresserons aux études récentes sur les différences sexuelles.

Historique

Nous allons montrer les interconnections entre les scientifiques, leurs travaux et leur société. Pour ce faire, réalisons un historique non exhaustif des théories relatives aux femmes et aux hommes dans la procréation. C’est en effet un exemple assez parlant.

Dans un premier temps, les opinions sur les rôles respectifs des deux sexes étaient dénuées de fondement scientifique mais plutôt basées sur des mythes sociaux.
Ainsi pour certaines, le père n’était pas censé intervenir. Cette filiation utérine était réalisée par des larves ancestrales qui s’infiltraient sous forme de germes vivants dans le ventre maternel.
Puis, société patriarcale oblige, on considéra que le père était le seul créateur, la mère ne faisant que porter et engraisser la semence vivante. Aristote imagina que le foetus était produit par la rencontre du sperme et des menstrues. Dans cette symbiose, les femmes ne fournissaient qu’une matière passive, le principe mâle était force active, mouvement, vie ! Hyppocrate pensait qu’il existait deux espèces de semences, les faibles – féminine et les fortes – masculines. Cette théorie s’est perpétuée à travers le moyen-âge jusque dans l’époque moderne. Ainsi, fin XVIIème, Harvey sacrifiant des biches peu après l’accouplement trouva dans les cornes de l’utérus des vésicules qu’il prit pour des oeufs alors qu’il s’agissait des embryons. Stenon donna le nom d’ovaires aux glandes génitales femelles que l’on appelait jusque là « testicules féminins ». Il remarque à leur surface des vésicules que Graaf, en 1677 identifia à tort à l’oeuf. En 1677 toujours, on découvrit l’existence des « animalcules spermatiques » (spermatozoïdes) et l’on constata qu’ils pénétraient dans l’utérus féminin, mais on croyait qu’ils ne faisaient que s’y nourrir et que l’individu était déjà préfiguré en eux. Ainsi en 1694, le hollandais Hantsaker dessinait une image de l’hommoculus caché dans le spermatozoïde. En 1699, un savant déclara même avoir vu le spermatozoïde rejeter une sorte de mue sous laquelle est apparu un petit homme. La théorie des femmes uniquement nourricières n’était heureusement pas universellement acceptée. Elle fut discutée jusqu’au XIXème et l’apparition du microscope. En 1877, on observe la pénétration du spermatozoïde dans la vésicule de Graaf. On établit alors la symétrie des noyaux des deux gamètes. Puis, en 1883, le détail de la fusion des deux gamètes est analysé. Hegel estimait que les deux sexes devaient être différents : le mâle actif et la femelle passive. On reconnut par la suite l’ovule comme un élément actif de la procréation mais on tenta encore d’opposer son inertie à l’agilité du spermatozoïde. Albert Fouillée prétendit même définir la femme tout entière à partir de l’ovule et l’homme à partir du spermatozoïde (début du XXème siècle).

Cet historique n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. On peut rappeler les études sur les cerveaux des hommes et des femmes dans lesquelles ces dernières étant considérées comme moins intelligentes que les hommes, leur cerveau étant moins lourd et moins volumineux. Notons que le même type d’étude fut réalisé sur les noirs. Pourtant jamais n’a été prouvé qu’un humain à grosse tête était spécialement intelligent (cf. Philippe Bouvard et les grosses têtes !).

On voit donc que les théories scientifiques sont évolutives et dépendent de la société qui les a vues naître. Les scientifiques sont des êtres humains inscrits dans leur temps et leurs travaux sont éminemment liés aux enjeux politiques de leur époque. Et pourtant on nous présente toujours les explications des « savants » comme exactes, objectives et indiscutables. Gardant ceci en tête, nous allons tout de même faire le tour des études actuelles sur les différences entre les femmes et les hommes.

État de la science

Il est clair que des différences existent entre les hommes et les femmes. Néanmoins leur importance est délicate à déterminer. Les éléments de base de la différentiation sexuelle sont les gènes, les hormones et la culture. La plupart des études scientifiques sur le sujet portant sur les deux premiers éléments cités, nous allons nous y intéresser particulièrement dans cette partie.

1 – Les gènes

Le sexe génétique des êtres humains est fixé par la 23ème paire de chromosomes de notre génotype. Les femmes possèdent deux chromosomes de type X, les hommes un de type X et un de type Y. On considère que les 22 autres paires chromosomiques n’interviennent pas dans la détermination sexuelle même si elles peuvent avoir un fonctionnement sexué. Notons que le sexe peut être déterminé autrement pour d’autres espèces. Dans certains cas il est lié à l’environnement et même dans le cadre d’un sexe génétique, les configurations sont multiples :

Mammifères, insectes Insectes Oiseaux, reptiles lépidoptères Femelle XX XX WZ Mâle XY X WW

Le chromosome de type Y est porteur d’un gène, nommé « facteur de détermination testiculaire » nécessaire au déterminisme du testicule foetal et qui ne se retrouve pas sur les chromosomes X. Le sexe chromosomique oriente la différentiation à un stade très précoce du développement de l’embryon (7ème semaine à peu près) mais il n’intervient plus par la suite, laissant cette tâche aux hormones et aux pressions sociales et culturelles.
Ainsi de la fécondation à la septième semaine il est impossible de différencier morphologiquement les gonades (glandes sexuelles, ovaires/testicules) mâles et femelles.

À la septième semaine environs, chez les mâles les structures du testicule se mettent en place et la sécrétion hormonale commence. Sont ainsi produites principalement deux hormones :

  • L’hormone antimüllerienne dès la 7ème semaine qui va faire disparaître les canaux de Müller chez les mâles.
  • La testostérone, l’hormone mâle par excellence, à partir de la 10ème semaine. Elle intervient en particulier dans le modelage des organes génitaux externes et dans la transformation des canaux de Wollf.

Chez l’embryon femelle, la différentiation est plus tardive. À partir de la 8ème semaine la transformation de l’ovaire commence. Les canaux de Wollf, en absence de testostérone ne peuvent se maintenir tandis que ceux de Müller prennent leur configuration finale.

On affirme souvent que cette différentiation féminine est passive et ne résulte que de l’absence du chromosome Y. D’où certaines théories expliquant ainsi que les hommes sont par nature plus actifs puisque c’est déjà le cas au niveau embryonnaire. Ces théories sont évidemment simplistes et fondées sur une inexactitude. La formation de l’ovaire et la maturation des ovocytes nécessite en effet la présence des deux chromosomes X.

Il semble que le rôle des gènes est très limité dans le temps. La 23ème paire de chromosome donne l’orientation sexuelle (génétique) puis la sécrétion des hormones sexuelles commence. Rappelons toute fois que les autres paires de chromosomes sont impliqués dans cette différentiation. Ainsi le codage génétique de l’hormone antimülleriènne est porté par la 19ème paire. De plus, il semble que certains gènes n’ont pas le même comportement selon qu’ils soient transmis par le père ou par la mère.

2 – Les hormones sexuelles.

Femmes et hommes ont en commun les mêmes hormones sexuelles : on trouve dans le sang des êtres humains aussi bien des hormones mâles (androgènes) que femelle (oestrogènes, progestérone). Seules varient, selon le sexe, leur quantité respective. Ces hormones sont toutes dérivées du cholestérol. Des cellules vont l’extraire du sang pour le transformer en stéroïde selon trois familles :

  • Les corticostéroïdes.
  • Les minérolostéroïdes.
  • Les stéroïdes sexuels.

Ces deux premières familles sont principalement produites par les glandes surrénales, la troisième l’étant par les gonades ou glandes sexuelles (ovaires, testicules). Remarquons que dans les ovaires, le cholestérol est transformé en androgène qui sert à produire les oestrogènes. Une fois produites, les hormones sexuelles sont diffusées dans le sang et vont être captées par leurs cellules cibles :

  • Les glandes sexuelles afin de mette au point les cellules reproductrices fonctionnelles.
  • Les organes sexuels secondaires : Prostate, verge, scrotum (enveloppes cutanées des testicules) pour les hommes, utérus, vagin, seins pour les femmes.
  • Les tissus musculaires, le foie, la moelle osseuse et certaines zones cérébrales.

La production de ces hormones est commandée par les LH (Hormone Luteinuzing) et FSH (Follicle Stimulating Hormone) venant de l’hypophyse. Cette hypophyse obéit lui même à l’hypothalamus, véritable centre de contrôle qui envoie ses ordres par le biais des hormones LH-RH (LH Releasing Factor).

Le rythme de production des hormones sexuelles est variable.

  • Pour les femmes, la production suit le cycle menstruel de la puberté à la ménopause. Durant la première moitié du cycle le follicule sécrète des oestrogènes et un peu de progestérone. Puis le corps jaune produit de la progestérone et des oestrogènes.
  • Pour les hommes, de la puberté à environs 60 ans, la production d’androgènes est à peu près stable avec des variations cycliques : plus 20 à 30% le matin et plus d’androgènes dans le sang en automne. 

Les glandes surrénales produisent aussi des hormones sexuelles de façon négligeable par rapport aux gonades. Néanmoins elles sont la principale source d’androgène pour les femmes, ce qui explique leur acné et leur pilosité. Les muscles, la graisse et l’hypothalamus, capables de transformer les stéroïdes sexuels, notamment les androgènes en oestrogènes, en sont les principaux fournisseurs chez les hommes.

Nous n’entrerons pas dans les détails de la vie de ces hormones et de leurs nombreux dérivés (respectons leur vie privée). Remarquons tout de même que le contrôle de la production des stéroïdes par l’hypothalamus est réalisé grâce à un retour d’information en son sein (rétrocontrôle). La sécrétion de LH et de FSH est influencée par celle des hormones sexuelles, de même pour le LH-RH…

Par ailleurs, comme toujours en matière de physiologie cérébrale, une fonction ne peut être isolée des autres. Ainsi des signaux venant d’autres régions du cerveau influencent l’hypothalamus. Les événements psychiques peuvent donc retentir sur la production des stéroïdes et sur la vie génitale. C’est pourquoi une grande prudence doit être de mise lorsqu’on tente d’établir le rôle d’un phénomène dans les différences entre les sexes de l’espèce humaine.

Ce rappel du fonctionnement du système hormonal sexuel nous a montré le rôle essentiel du cerveau. C’est d’ailleurs cette fonction qui a amené certains à parler du cerveau comme d’un organe sexuel. Mais puisque le cerveau est affecté au moins dans son hypothalamus par notre sexe, il est intéressant de voir si cela a entraîné une différentiation du fonctionnement de cet organe.

3 – Les différences femmes/hommes – Le cerveau

Tout d’abord, nous passerons rapidement sur les différences physiques entre les hommes et les femmes. Elles sont en effet secondaires dans les sociétés humaines qui sont censées, fort heureusement, ne pas se baser sur des critères purement physiques. Ainsi la force musculaire supérieure – en moyenne – des hommes n’a que peu de conséquences (même si par le passé elle a pu en avoir et ainsi créer des rôles sexués qui perdurent de nos jours, à moins que ce soit le contraire). Notons à titre informatif que, en plus des différences entre les caractères sexuels primaires, la masse adipeuse représente environs 11% de la masse totale chez les hommes et 23% chez les femmes, qui possèdent des articulations plus souples et un bassin plus large (toujours en moyenne). La peau est plus épaisse et moins ridée chez les hommes. Ils ont par ailleurs une capacité respiratoire plus grande et leur sang possède plus de globules rouges. Enfin la pilosité et l’implantation des cheveux sont sexués.

Nous allons maintenant nous intéresser aux différences concernant le cerveau humain. Les théories expliquant de façon plus ou moins crédibles la supériorité des hommes sur les femmes furent nombreuses par le passé, s’appuyant notamment sur les écarts de volume ou de poids entre les cerveaux des femmes et des hommes. On sait depuis que l’intelligence n’a rien avoir avec ce type de critère. Actuellement, il est à peu près admis que, globalement, l’intelligence d’un être humain n’est pas liée à son sexe.

Les études récentes portent plutôt sur des éventuelles différences de fonctionnement du cerveau pour certaines tâches. Ainsi on a montré que les hommes semblaient, en moyenne, plus doués pour les tests faisant appel aux aptitudes spatiales du cerveau (épreuve des cubes…) et les femmes meilleures pour les tâches verbales (grammaire, fluence verbale…). En outre elles parleraient plus tôt, seraient de meilleures lectrices et auraient un vocabulaire plus étendu (ces capacités verbales se sexuant vers 11 ans).

Néanmoins, en 1988, deux chercheuses américaines, Jane Hyde et Marcia Linn ont ré-analysé 165 études sur le sujet éditées à l’époque. Elles se sont particulièrement intéressées à l’écart moyen entre les facultés linguistiques des femmes et des hommes et ont prouvé que cette différence était en fait quasiment nul et n’avait pas de valeur statistique. De plus elles montrèrent que l’écart observé était plus grand dans les travaux réalisés avant 1973 et qu’il augmentait lorsque l’auteur principal de l’étude était une femme ! Voici encore une preuve de la non objectivité des scientifiques…

Les travaux les plus récents montrent ainsi que les différences de fonctionnement des cerveaux des femmes et des hommes sont négligeables par apport au bruit statistique. Tout au plus peut-on noter une meilleure capacité des femmes à reconnaître les mots qui riment entre eux ! Sacré différence non? Notons néanmoins qu’un certain nombre d’expériences sont encore réalisées pour essayer de détecter des écarts sexués pour les tâches visuo-spatiales. On parle en particulier de la latéralisation du cerveau. En clair, pour diverses opérations, il semble que les hommes utilisent plus spécifiquement un de leurs hémisphères cérébraux alors que pour les femmes l’activité neuronale serait plus équitablement répartie (donc moins efficace à cause des échanges entre hémisphères). Les scientifiques ont alors tenté d’expliquer ces différences par des critères morphologiques, génétiques culturels ou hormonaux. Sachons qu’au niveau morphologique on s’est intéressé au corps calleux (masse de fibres situées à la jonction des deux hémisphères). En 1982, De Lacoste et Holomay affirmèrent en effet qu’il existait un dimorphisme sexuel dans la forme du corps calleux. Selon eux sa partie postérieure (splénium) était plus arrondie et développée chez les femmes.


Ces travaux constituaient la première preuve d’une différence morphologique sexuée du cerveau et qui plus est, allait dans le sens des études de latéralisation fonctionnelle de nos cervelles. Néanmoins ces observations ne furent jamais reproduites ! Malgré tout, il a été remarqué une interaction entre le sexe et la latéralisation manuelle qui confirmèrent des expériences d’aptitudes. Leur validité semble néanmoins discutable, à la vue de la taille de l’échantillon de test en particulier (48 personnes!).

Les explications génétiques furent âprement discutées vers la fin des années 1970. On pensait que certaines aptitudes visuo-spatiales pouvaient être transmises génétiquement, à partir d’expériences au sein d’une même famille et sur de vrais et faux jumeaux. Ces théories ont été depuis invalidées, les expériences n’ayant jamais été reproduites et des éléments liés au syndrome de Turner (23ème paire de chromosome constituée d’un seul X) s’y opposant.

Reste les raisons culturelles et hormonales. Il est actuellement difficile de faire la part des choses. Notons néanmoins les faits suivants.

 

  • En faveur d’une cause hormonale : Il semble que les hormones sexuelles jouent un rôle très important dans la période pré et périnatale et peut être même pendant la vie adulte. Des expériences sur des rats ont montré en particulier la responsabilité de la testostérone dans le développement de certaines zones du cerveau des rats, développements qui influencent par la suite leurs comportements. Mais comme nous ne sommes pas des rats…
  • En faveur d’une raison culturelle : les garçons dans nos sociétés ont des jeux plus physiques que les filles. Cela améliore leurs capacités visuo-spatiales. Ainsi il a été démontré qu’un entraînement sélectif et une éducation non sexiste amenaient une amélioration de ces capacités chez les filles et qu’à l’inverse les écarts sexués les plus forts se retrouvent dans les cultures les plus sexistes. 

Enfin, insistons sur la relative fiabilité des expériences portant sur les capacités intellectuelles de part la faible taille des échantillons de test et de part la complexité du fonctionnement du cerveau humain (il est délicat d’étudier un élément spécifique indépendamment des autres). De plus la définition de l’intelligence est fort délicate à fournir.

Persistance des idées reçues

Les différences sexuées semblent bien minimes et pourtant les idées reçues sont toujours légions sur le sujet. Citons-en quelques unes.

À propos de l’intelligence des femmes, il y a 200 ans, lorsque Condorcet tentait de promouvoir l’éducation des femmes, il était alors communément admis que l’accès au savoir risquait d’affoler les esprits féminins et de les détourner de leurs aspirations naturelles. En réponse à ce préjugé, un enseignement secondaire spécifiquement réservé aux jeunes filles fut mis en place au XIXème siècle. Camille See proposa alors en 1881 de créer, à Serves, l’École Normale Supérieure de jeunes filles, afin de former des enseignantes. Ce projet provoqua un débat fort houleux à l’Assemblée Nationale portant sur la capacité des femmes à transmettre le savoir. De nos jours, les préjugés sexistes affirment que les femmes ne disposent pas d’une intelligence suffisante pour créer du savoir, qu’elles ne sont bonnes qu’à enseigner!!! (C.Q.F.D! Non?)
De même entend-on régulièrement que les femmes sont moins douées que les hommes pour les mathématiques ou les échecs. Ces idées reçues pourraient faire sourire si elles n’avaient des effets aussi négatifs sur nos comportements. Actuellement, il y a 50% de filles en seconde, 40% en première S, 35 en terminale S et seulement 17% en classe préparatoire aux écoles d’ingénieurs, option Mathématiques Spéciales. Les jeunes filles, persuadées d’être naturellement moins disposées pour les sciences que leurs camarades masculins se dévalorisent alors que les garçons ont tendance à surestimer leur niveau.
Et n’allez pas croire à une quelconque action sexuée de la bosse des maths : la bosse des maths n’existe pas ! Un chercheur de l’École Normale Supérieure a en effet démontré que notre cerveau possédait bien une zone dédiée aux mathématiques mais qu’elle ne servait qu’à peu de choses : compter jusqu’à trois, analyser si un nombre est plus grand qu’un autre. Pour toute autre opération, c’est l’ensemble du cerveau qui est mis à contribution !

Nous ne nous appesantirons pas sur la main mise des hommes sur les échecs de haut niveau. Quoi de moins étonnant lorsqu’on voit à quel point ce jeu est culturellement réservé aux hommes. Notons de plus qu’une femme fait partie des dix meilleur-e-s joueur-se-s du monde!

Nous terminerons ce tour, non exhaustif hélas, des préjugés sexistes par l’hystérie qui serait une maladie exclusivement féminine. Le parangon de la crise d’hystérie, au siècle dernier, touchait des femmes qui s’affaissaient après avoir poussé un cri rauque, se contractaient, se convulsaient, salivaient avant de sombrer dans un pseudo-sommeil de 15-20 minutes. Ces crises concernaient 2 à 4 fois plus souvent les femmes que les hommes. Cette différence est un des piliers de la psychanalyse moderne. Pourtant de nos jours, ce type de crise n’est presque plus observé, remplacé par des dépressions nerveuses ou des affections psychosomatiques et touchent autant les hommes que les femmes. Elles étaient semble-t-il très culturelles.

CONCLUSION

Nous avons donc vu qu’il existe peu ou pas de différences significatives entre les hommes et les femmes, intellectuellement parlant. Nous ne pouvons affirmer que le sexe n’a aucune influence sur les comportements des êtres humains. A l’inverse, il parait très hasardeux de considérer que les femmes et les hommes possèdent des particularités essentielles entraînant des pensées et des actions sexuées. Nous retombons une fois de plus dans l’opposition essentialisme – culturalisme. En l’état actuel de nos connaissances sur le sujet, nous voyons pourtant que la culture joue LE rôle principal dans les différences sexuées. Sans négliger la part génétique et hormonale de nos comportements, un réel effort de non discrimination sexiste reste a réaliser dans nos sociétés (en évitant de « masculiniser » les femmes, c’est à dire de créer une éducation unisexe basée sur la culture « masculine » et de dénigrer les sentiments dits « féminins », comme la tempérance, la douceur…). Il reste en effet beaucoup de préjugés à combattre, à l’aide, entre autres, des études scientifiques récentes et sérieuses sur le sujet. Nous n’insisterons en effet jamais assez sur le peu d’expériences réalisées sérieusement sur ce thème et sur l’importance du regard critique à utiliser à leur égard.

BIBLIOGRAPHIE :

  • « Science et Vie – Numéro 171 : Hors série sur les hommes et les femmes » . Juin 1990.
  • « Du fer dans les épinards et autres idées reçues. » Sous la direction de Jean François Bouvet. Seuil.
  • « Pour la science numéro 230. Plus de femmes en sciences. » Christine Benard et Etienne Guyon.
  • « La recherche numéro 300. Trop sérieuses les femmes ? » Juillet Août 1997.
  • « Où en est la différences des sexes ? » Renée Dufour. Cycle de conférences « Histoire des femmes » et « Connaissance des institutions ». Institut Politique Européen de Formation des Femmes. 22 mars 1994.
  • « Le cerveau a-t-il un sexe ? » Catherine Vidal. Cahier de l’Unesco page 31. Septembre 1995.
  • « Is there a natural sexual inequality of intellect ? A reply to Kunura. » Jeffrey Foss. Hypatia Vol. 11, numéro 3, page 24 à 46. Eté 1996.
  • « Dualism in biology : the case of sexe hormones. » Marianne Van Den Wijngaard Women’s studies international form. Vol 14, numéro 5, page 459 à 471. 1991.

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