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Psycho

La génétique des troubles psychiatriques

J’ai une maladie psychiatrique. Quel risque pour mes enfants d’être également atteint ?

J’ai un cousin/grand parent/tante atteint de schizophrénie, quel risque pour moi et mes enfants d’être malade ?

Ces questions que nombre de personnes se posent lorsqu’un proche ou elles-mêmes sont atteintes de trouble psychiatrique sont tout à fait légitimes lorsque l’on voit le nombre de personnes malades dans les familles. En effet, de nombreuses questions émergent lorsque l’on observe les familles de personnes avec des troubles psychiatriques. Quelle part le génome, constitué par l’ensemble des gènes d’un individu, joue-t-il dans l’apparition des troubles psychiatriques ?

L’héritabilité et les études épidémiologiques

Les études épidémiologiques sur de grandes populations nous montrent clairement que la prévalence (le nombre de cas par rapport à une population donnée) des troubles psychiatriques est plus importante dans les familles de personnes malades que dans la population générale.

On constate ainsi que le risque d’être schizophrène est 10 fois supérieur à celui de la population générale lorsqu’on a un frère ou une sœur atteint de schizophrénie. Ce risque est encore multiplié par 5 lorsque les deux parents sont malades. En règle générale, on constate que le risque est d’autant plus important que le degré de parenté est élevé, c’est-à-dire lorsque que l’on partage un plus grand nombre de gènes avec les personnes de la famille qui sont malades. En d’autres termes, le risque d’être soi-même atteint de schizophrénie ou de trouble bipolaire est plus élevé si on a un parent, un frère ou une sœur qui est malade, que si on a un cousin germain, une grande tante ou un arrière grand-père qui était schizophrène.

Mais les membres d’une famille n’ont pas en commun que leurs gènes et nombres de facteurs environnementaux sont également partagés entre les apparentés. Les approches les plus robustes pour distinguer les facteurs génétiques des facteurs environnementaux sont d’observer les jumeaux. En effet, les jumeaux, qu’ils soient vrais, lorsqu’ils sont issus d’une même cellule, ou faux lorsqu’ils correspondent à deux fécondations, partagent le même environnement au cours de la grossesse ainsi qu’au cours de leur enfance lorsqu’ils sont élevés ensemble. Leur principale différence provient de leur génome puisque les vrais jumeaux partagent 100% de leurs gènes contrairement aux faux jumeaux qui ont seulement 50% de leur génome en commun, comme tous les frères et sœurs. Lorsqu’on compare le taux de concordance – ou autrement dit : à quelle fréquence le second jumeau est malade lorsque le premier a un trouble psychiatrique-, on peut alors mesurer l’importance des facteurs génétiques dans la vulnérabilité au trouble. On estime ainsi l’héritabilité d’une maladie, c’est-à-dire la part de la maladie qui est expliquée par les gènes. Dans les troubles bipolaires et la schizophrénie, elle est aux alentours de 60%. Dans l’autisme, elle peut atteindre 90% dans certaines études.

Quelques rappels sur le génome humain

Le génome humain est contenu dans l’acide désoxyribonucléique (ADN). On peut comparer l’ADN à une bande magnétique sur laquelle serait fixée toutes les informations concernant la composition et l’organisation de chaque être vivant, codée par une séquence unique de 3 milliards de bases dont l’alphabet serait composée des 4 lettres A, T, G et C, que sont les nucléotides. Cette molécule est présente dans quasiment toutes les cellules de notre organisme. Le génome contient environ 25 000 gènes qui codent plus de 100 000 protéines différentes.

Aujourd’hui, nous savons parfaitement lire cette séquence d’information, la difficulté résidant actuellement dans son décryptage pour comprendre la ou les fonctions de chacun de ces gènes. Une des découvertes les plus importantes ces dernières années dans l’exploration du génome humain est sa très grande variabilité. On estime en effet qu’il y a, en moyenne, près de 3 millions de variations dans la séquence d’ADN de deux individus pris au hasard dans la population. Certaines de ces variations son très rares, voire uniquement présente chez un seul individu dans le monde. D’autres sont plus fréquentes et communes à plusieurs individus. Cette grande variabilité est responsable de la singularité de chaque individu.

Les études génétiques modernes et les résultats de ces dernières années

Afin de mieux comprendre l’origine et la vulnérabilité aux troubles psychiatriques, les études génétiques modernes explorent l’ensemble du génome des individus. Deux grands phénomènes sont observés dans la vulnérabilité aux troubles psychiatriques.

Pour certaines pathologies, comme l’autisme et la schizophrénie, on constate une plus grande fréquence de variations génétiques très rares qui apparaissent de novo chez les personnes malades, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas présentes chez les parents de l’individu. Ces mutations semblent augmenter de manière significative le risque de développer la maladie. Ainsi, on a pu montrer un risque plus élevé d’avoir un autisme ou une schizophrénie lorsque les personnes avaient ce genre de mutations qui altéraient des molécules impliquées dans la communication entre les neurones, la neurotransmission.

Le deuxième grand phénomène qui est observé dans les troubles psychiatriques est la présence de variations génétiques qu’on retrouve fréquemment dans la population générale, mais qui sont plus fréquentes chez les personnes malades que chez les personnes non malades. Ainsi, les études les plus récentes ont comparé les variations fréquentes chez près de 37 000 personnes avec une schizophrénie et plus de 113 000 témoins non malades. Ces études ont permis d’identifier de nombreuses variations génétiques, qui, lorsqu’elles sont cumulées et vraisemblablement associées à certains facteurs environnementaux, augmentent le risque pour les personnes porteuses de ces variations d’avoir une schizophrénie.

Ces variations génétiques touchent des gènes impliqués dans deux grands mécanismes qui semblent jouer un rôle important dans la vulnérabilité à la schizophrénie. Le premier concerne la communication entre les neurones, comme cela avait été démontré avec les mutations rares. De manière plus surprenante, le second mécanisme concerne le système immunitaire et les défenses de l’organisme vis-à-vis de pathogènes. Bien que surprenant, ces résultats sont néanmoins très cohérents avec les résultats des études épidémiologiques qui montrent un risque plus élevé d’avoir une schizophrénie pour l’enfant à naître, lors d’infection par certains virus ou parasites, lors de la grossesse.

Des études similaires ont été réalisées pour d’autres troubles psychiatriques, comme les troubles bipolaires, la dépression majeure, les troubles de l’attention et de l’hyperactivité et ces études ont permis de montrer que plusieurs variations génétiques étaient communes à toutes ces pathologies, suggérant que ces maladies partageaient des facteurs de vulnérabilité génétique. Ceci nous permet donc aujourd’hui de mieux comprendre pourquoi le risque de développer un trouble bipolaire est plus important dans des familles de personnes avec une schizophrénie et réciproquement, par rapport au risque de la population générale.

Et les facteurs environnementaux ?

Les études génétiques récentes nous montrent donc que la plus grande vulnérabilité observée pour certaines personnes provient de l’accumulation de plusieurs variations génétiques et que ces combinaisons de variations génétiques augmentent le risque de plusieurs troubles psychiatriques. Néanmoins, cette vulnérabilité augmentée reste dépendante de l’histoire personnelle de chacun et des facteurs environnementaux qui sont rencontrés. Plusieurs facteurs environnementaux ont été identifiés pour jouer un rôle important dans la vulnérabilité aux troubles psychiatriques, comme la consommation de cannabis, les traumatismes dans l’enfance, le fait de grandir dans de grandes villes, les migrations ou les infections par certains virus ou parasites au cours de la grossesse maternelle. Contrairement à ce qui est observé pour les facteurs génétiques, les facteurs environnementaux semblent plus rarement partagés par plusieurs troubles psychiatriques.

Quelques études récentes ont montré l’importance de certaines variations génétiques dans la sensibilité à des facteurs environnementaux. Ainsi, on a pu constater que plus les personnes avaient subi de traumatismes au cours de leur enfance, plus leur risque de développer un trouble bipolaire de manière précoce était élevé. Mais cette sensibilité surtout vraie chez des personnes avec une variation génétique particulière dans le gène codant le transporteur de la sérotonine, un neurotransmetteur important dans la régulation de l’humeur. Ces études, encore trop rares, montrent donc l’importance d’avoir le maximum d’information sur l’histoire personnelle de la personne malade pour bien comprendre sa maladie et devraient nous permettre, dans un avenir proche, de donner des conseils personnalisés pour améliorer le pronostic ou prévenir l’apparition de troubles dans les familles.

Pour conclure

Bien que les études génétiques récentes réalisées sur les maladies psychiatriques ont permis des progrès considérables sur la compréhension des mécanismes à l’origine de ces maladies, les connaissances actuelles ne nous permettent ni de prédire quel est le risque d’être malade pour un individu donné, ni d’aider au diagnostic en cas de doute ou lors d’un premier épisode. Néanmoins les résultats obtenus sont très encourageants et permettent aujourd’hui d’envisager de nouvelles stratégies thérapeutiques qui sont actuellement explorées.

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